La vidéo au secours des premiers gestes

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Comment améliorer la prise en charge des gestes de premiers secours par les premiers témoins ?

centre secours urgence

Créé le 17/01/23

L’amélioration des temps de prises en charge des urgences et en particulier des arrêts cardiaques est une préoccupation des autorités de santé publique depuis des décennies. En effet, chaque année en Europe environ 340 mille personnes sont victimes d’un arrêt cardiaque hors hôpital et seules 10% survivront jusqu’à la sortie de l’hôpital. 

Pour augmenter ces taux, il serait possible d’avoir recours à des applications pour amener le potentiel témoin d’un arrêt cardiaque à réagir plus vite et plus efficacement grâce à une meilleure connaissance de la nécessité d’agir et grâce à un meilleur guidage par les professionnels des centres d’appels de secours.

Une équipe projet de l'Institut Interdisciplinaire de l'Innovation (CNRS, Télécom ParisTech, Ecole Polytechnique et Mines Paris-Tech) a mis en place un projet afin de tester différentes technologies et de vérifier leur pertinence sur des situations les plus proches possible de la réalité, avec un focus sur l’arrêt cardiaque.

Trois axes d’étude ont été définis : le Praticien, la Communauté et la Méthode.

Le Praticien est le régulateur du service des urgences. Son objectif principal est d’améliorer les taux de survie des patients. Pour cela, il doit identifier rapidement le problème pour essayer de mettre en place les gestes de secours appropriés avec l’appelant. Dans la majorité des situations, la personne qui appelle est un témoin qui n’est pas formé aux gestes de secours mais son rôle et sa décision de réaliser ou non une action est déterminante dans la survie des victimes.

La Communauté : il s’agit de tous les intervenant qui participent à la « chaine de la survie » qui modélise les quatre étapes essentielles pour améliorer le taux de survie des victimes d’arrêts cardiaques hors hôpital : reconnaissance précoce et appel à l’aide, massage cardiaque précoce, défibrillation précoce et soins post-réanimation. Le régulateur et l’appelant sont considérés comme la première équipe de réanimation.


La Méthode : utilisation du Living Lab, qui a été développé dans les années 1990 au Massachusetts Institute of Technology, et qui a pour objectif d'être un lieu de rencontre pour tous les acteurs impliqués dans une situation pour tester une innovation technologique. Les expériences de Living-Labs en santé sont conduites dans un contexte semi-réel (simulations). Pour renforcer le réalisme des simulations d’arrêt cardiaque, il est intéressant d'avoir accès à des authentiques professionnels et de les intégrer dans la simulation. L'accent est mis sur trois questions de recherche spécifiques :

  1. L'axe praticien : quels effets, bénéfices et barrières ont l'inclusion de la vidéo sur la prise en charge d'une victime par un témoin ?
  2. L'axe communautaire : comment le partage d'expériences facilite-t-il la construction d'un cadre de référence commun et la confiance entre les acteurs ?
  3. L'axe méthode : dans quelle mesure la méthodologie du living lab s'adapte-t-elle aux besoins et contraintes identifiés à travers un processus itératif et résilient ?

Le terrain d’étude

Le centre de communication médicale d'urgence du canton de Genève (numéro d'urgence 144) en Suisse fait partie des Hôpitaux Universitaires de Genève. Ce centre a répondu à 115 000 appels d'urgence en 2021 pour l'ensemble du canton de Genève.

Les deux objets d’études sont l’application SARA®, qui permet l’envoi de vidéo des gestes de secours sur les urgences vitales (arrêt cardiaque / étouffement) et Urgentime® qui permet au régulateur d’obtenir un retour vidéo sur la situation.

Les premiers résultats

Ces premiers résultats sont issus de la mise en place d’une expérience réalisée à l’occasion de la journée du cœur organisée en avril 2022 à Genève.

Deux scénarios ont été testés avec 34 citoyens, des urgentistes et des ambulanciers :

  1. Arrêt cardiaque adulte : vous attendez un entretien d’embauche et la personne à côté de vous commence à se sentir mal et s’écroule ; vous appelez les secours. Evaluation avec Urgentime / Réanimation avec SARA CPR adulte
  2. Étouffement d’un nourrisson + dégradation en arrêt cardiaque : vous gardez l’enfant de votre voisine, soudain il s’étouffe ; vous appelez les secours. Evaluation avec Urgentime / Manœuvre de Mofenson

Sur l’axe Praticien :

Intérêts : l’application Sara est toujours perçue positivement par les témoins et elle rassure dans l’accomplissement des gestes. L’application Urgentime est fortement appréciée par les régulateurs, la visualisation permet d’être plus impliqué, de percevoir l’ambiance, de voir le déroulement de la prise en charge, d’évaluer l’état de la victime, de guider les gestes accomplis.

Points d’amélioration : il faut pallier ou anticiper des problèmes techniques de prise en main des applications ou de stabilisation de la vidéo en cas de débit réseau insuffisant.

Sur l’axe communautaire :

Intérêts : on note l’émergence sentiment de communauté ; les participants expérimentent une interaction positive et se sentient partie prenante d’une équipe.

Points d’amélioration : il faut gérer le niveau de stress des participants qui vivent une première expérience de ce genre ; à voir également la gestion de « lead » en fonction des personnalités présentes ; optimisation de la communication et vérification que tout le monde se comprend bien à tout instant.

Sur l’axe méthode (Living Lab) :

Intérêts : pour le témoin il permet de démystifier les actes réalisés sur le patient comme la peur de blesser, de découvrir les rôles des autres intervenants, de se former dans un cadre sécurisé. Pour les régulateurs c’est la possibilité d’avoir du feed back sur leurs pratiques. Au niveau des émotions générées, il y a inévitablement du stress qui s’installe et une personnification du mannequin surtout celui représentant un bébé.

Points d’améliorations : certains régulateurs ne sont pas persuadés du bien fondé de l’utilisation des applications dans le cadre de leurs interventions. Leur non participation empêche de recueillir leurs points de vues qui pourraient certainement aider à développer 1) les applications 2) la communauté.

Perspectives

Ces premières expérimentations ont permis de conforter un grand nombre de points positifs dans l’introduction de séquences vidéos dans le processus d’application des gestes de premiers secours. Les perspectives de cette étude sont donc d’évaluer les effets de ces méthodes en termes de rétention d’apprentissage et de sentiment d’appartenance à la communauté. Un autre Living Lab va être organisé pour conforter ces premiers apports et se donner la possibilité d’essaimer, au travers de la mise en scène photographique, vers les structures de secours.


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