Déterminants de la prise de risque chez les cyclistes

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Quels sont les facteurs psychologiques et sociaux qui déterminent les comportements à risque chez les cyclistes ?

feux piéton et cyclistes

L’utilisation du vélo est en forte progression, ce qui présente de nombreux intérêts et avantages. Malheureusement, cet essor s’accompagne d’un accroissement de l’accidentalité des adeptes de la petite reine.

Le projet d’étude des facteurs de prise de risque chez les cyclistes, conduit par l’Université Catholique de Lille libre ici des résultats intéressants suite à une grande enquête quantitative et à des observations in situ.

Le vélo représente un mode de transport de plus en plus utilisé (8% des transports quotidiens en Europe, Commission Européenne, 2014) et encouragé en raison de ses avantages économiques, environnementaux, sanitaires et logistiques (décongestion des axes routiers).

Cet essor va cependant de pair avec une augmentation des accidents graves et mortels pour les cyclistes, qui représentent l’une des catégories d’usagers de la route les plus vulnérables (Commission Européenne, 2022). En Europe, ils représentent la seule population où les accidents mortels n’ont pas diminué depuis 2010, avec notamment 187 décès et 4 506 blessures rien qu’en France pour l’année 2019 (ONISR, 2020).

La survenue et la gravité de ces accidents peuvent s’expliquer par différents facteurs comme la qualité des aménagements routiers ou les comportements des différents types d’usagers, parmi lesquels ceux des cyclistes eux-mêmes ne sont pas à négliger. Le non-port du casque tient une place de choix parmi les comportements problématiques de ces derniers, quand bien même son effet bénéfique sur la réduction du risque et de la gravité des blessures fait l’objet d’un consensus scientifique.

Ce projet sur la prévention des risques cyclistes vise (i) à identifier les facteurs psychologiques et sociaux qui déterminent les comportements à risque chez les cyclistes (notamment le non-port du casque) pour ensuite (ii) proposer sur cette base des interventions comportementales visant à réduire la prise de risque et promouvoir des comportements plus prudents chez les cyclistes. Différentes études relevant des sciences comportementales sont inscrites dans ce projet : enquête en ligne, observations de terrain, expérimentations en laboratoire et interventions comportementales sur le terrain.

Enquête en ligne

Réalisée en 2022 auprès de 1 650 cyclistes sur le territoire français (dont 389 étudiants à Lille), cette enquête a porté sur l’implication des facteurs psychosociaux comme les traits de personnalité (ex : attrait pour la prise de risque et les sensations fortes dans différents domaines, impulsivité) ou sur le rôle d’attitudes et croyances plus spécifiques au vélo (confiance dans ses propres habiletés, légitimité perçue des règles routières, perception des risques d’accidents à vélo, normes sociales). La caractérisation des comportements à risques incluait la fréquence d’usage des équipements de sécurité (notamment le casque), les comportements risqués intentionnels et non-intentionnels et le nombre d’accidents à vélo impliquant une blessure par le passé.

Les principaux résultats indiquent que les normes descriptives perçues représentent le facteur qui prédit le mieux la fréquence des comportements à risques. Autrement dit, moins les cyclistes déclarent que leur proches (famille, amis, collègues) portent un casque à vélo, moins ils déclarent le porter eux-mêmes. Dans la même ligne, plus les cyclistes déclarent que leurs proches prennent des risques volontairement ou involontairement à vélo, plus ils déclarent prendre également ces risques. Agir sur les normes perçues semble donc être un levier potentiellement efficace pour modifier les comportements des cyclistes.

Observations de terrain

L’étude a été réalisé en 2022 au niveau de deux intersections à proximité de l’Université Catholique de Lille. Il s’agissait notamment de caractériser de manière plus directe la population de cyclistes lillois (majoritairement des étudiants), pour préparer l’intervention comportementale de terrain. Au total, 2788 cyclistes ont été observés. Les principaux résultats indiquent que seuls 24% des cyclistes observés portent un casque et que des 29% passent au feu rouge sans que la signalisation ne l’autorise (panonceau M12). Ces résultats varient selon le type d’usager, le sexe et l’âge : ils sont plus fréquents (i) chez les usagers de vélo en libre-service que chez les usagers de vélo personnel, (ii) chez hommes que chez les femmes et (iii) chez les jeunes (10 à 29 ans) que chez les plus âgés (30 ans et plus).

Plus généralement, ces résultats indiquent que le port du casque reste minoritaire chez les cyclistes lillois, offrant ainsi une marge de progression importante. Notons que le port du casque et le passage au rouge étaient positivement corrélés, ce qui suggère que les effets d’une intervention permettant d’augmenter le port du casque pourraient se généraliser à d’autres comportements à risques à vélo - qu’il conviendra de mesurer également par la suite.

Intervention comportementale sur le terrain

La procédure comportementale sera mise en place courant 2023 et s’appuiera sur l’incitation financière, un paradigme classique en économie expérimentale (Duflo, 2020). Plus précisément, des cyclistes pris au hasard in situ et portant leur casque se verront proposer de verser une somme d’argent à une association spécifique et en prendre éventuellement une partie pour eux-mêmes. Cette somme sera indexée sur la proportion de cyclistes portant un casque au cours de la journée d’observation, proportion connue des cyclistes eux-mêmes par le biais de différents canaux de communication. La démarche se voudra motivante et ludique (« gamifiée ») et des relevés réguliers seront effectués pour en assurer le caractère dynamique. Le but de cette intervention est de provoquer une généralisation du port du casque : une personne motivée financièrement au départ pourra continuer à porter son casque au-delà de la période d’incitation financière (effet d’habitude) et pourra également inciter directement et indirectement son entourage à en faire de même (par mimétisme social). Les résultats porteront donc à la fois sur des effets à court, moyen et long terme.

Des prétests en laboratoire seront préalablement conduits afin de déterminer les différents types d’incitations financières à utiliser.


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