Inondations et choix de résidence

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30 milliards d’euros en 30 ans, c’est le coût des inondations en France. Ce n’est pas toujours la faute à pas de chance car les zones inondables sont identifiées

une rue d'un village rural inondée

Créé le 09/10/2018, mis à jour le 07/12/2022

Le risque d’inondation est le risque naturel le plus répandu en France : 46% de communes et 17 millions d’habitants y sont exposés. En moyenne annuelle, les inondations génèrent 1,3 milliards d’euros de dommages économiques en France. Pourtant, de plus en plus de personnes choisissent leur résidence dans des zones à risque afin de bénéficier d’aménités naturelles (proximité des côtes maritimes, rivières, paysages non constructibles) ou urbaines (équipements sportifs, écoles) et de prix immobiliers plus bas. 

Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet état de fait : les ménages pourraient mettre en balance les aménités et les risques, et donc accepter plus facilement les risques encourus ; ils pourraient préférer des biens immobiliers moins chers, quitte à courir un risque ; ils pourraient sous-estimer le risque encourus ; ils pourraient ne pas craindre le risque tout en étant bien informés.

Deux études pour mieux cerner le problème :

  1. une étude dite de « prix hédoniques » qui permet de décomposer le prix du logement selon la valeur de ses caractéristiques ;
  2. une expérience par les choix où les enquêtés devaient choisir parmi des logements lotis de différentes caractéristiques.

Dans les deux cas, une caractéristique importante est le prix du logement, une caractéristique décrit la situation en zone inondable ou pas du logement, d’autres caractéristiques comme la surface du logement, et la proximité d’aménités urbaines et naturelles (la proximité du centre-ville, la proximité de la côte et la proximité d’un site naturel attractif) complètent la description du logement.

Nous avons étudié sept communes françaises situées dans sept départements de l’arc méditerranéen. Pour l’étude des prix hédoniques, elles ont été regroupés en trois zones : Saint-Laurent de la Salanque dans les Pyrénées Orientales, Cuxac-d’Aude dans l’Aude, Lattes dans l’Hérault, et Sommières dans le Gard sont regroupées dans une zone « Occitanie » ; Roquebrune-sur-Argens dans le Var et Biot dans une zone « Var Alpes-Maritimes » ; et la commune d’Aubagne dans les Bouches-du-Rhône correspond à une dernière zone distincte.


L’objectif des deux études était d’estimer la valeur que les personnes accordent à une zone sans risque d’inondation, tout en contrôlant la présence d’aménités et d’autres caractéristiques du logement. Un second objectif, dans le cas de l’expérience par les choix, était de tester la réaction des ménages par rapport à différents dispositifs d’information concernant les inondations. Les deux études sont décrites en détail dans les deux documents référencés dans la bibliographie en fin du document.

Les ménages cherchent à éviter des zones inondables. 

Nous avons utilisé les données collectées fin 2019 et début 2020 dans une enquête quantitative auprès de 721 ménages habitants dans des communes soumises aux inondations le long de l’arc méditerranéen (voir la carte ci-dessus). Nous reportons ici les résultats pour les 472 propriétaires de l’échantillon.

Sur le marché immobilier, les logements en zone inondable sont moins demandés donc moins chers que les logements hors zone inondable. Selon notre étude sur les prix immobiliers, les logements en zone inondable sont 10% moins chers (toutes choses égales par ailleurs) dans la zone « Occitanie » et 21% moins chers (toutes choses égale par ailleurs) dans la zone « Var Alpes-Maritimes ». Cela correspond à un prix implicite négatif de la zone inondable de 26 780 € dans le premier cas, et 74 305 € dans le second cas, pour des prix médians du logement respectivement de 260 000 € et 350 000 €. Les résultats pour la troisième zone ne sont pas significatifs. Ces estimations montrent donc que les risques d’inondation sont pris en compte dans le prix de la transaction immobilière, mais de façon plus ou moins importante selon la zone d’étude.

Selon l’étude d’expérimentation par les choix, les ménages de notre terrain d’étude sont prêts à payer en moyenne entre 38 000 € et 77 000 € pour éviter de vivre en zone inondable, selon le modèle explicatif mobilisé. Cela correspond à entre 11% et 22% du prix du logement, dont la valeur moyenne dans notre échantillon est de 343 000 €. Ces estimations montrent que les risques d’inondation sont pris en compte dans les décisions individuelles concernant les logements. Les consentements à payer estimés sont donc très proches des résultats issus de la première étude.

Les deux résultats montrent que le risque d’inondation a une valeur importante pour les résidents à côté des autres caractéristiques des logements, comme la proximité des aménités étudiées. Si l’on aimerait savoir si cette évaluation du risque d’inondation est faite à sa juste valeur, une réponse générale à cette question reste difficile. 

Le choix de résidence résiste-t-il à une information complète et fiable ?

Nous avons voulu tester si la valeur déduite était sensible à l’importance du risque évalué, en fonction de l’information dont disposaient les résidents.

En effet, dans notre étude d’expérimentation par les choix, nous avons testé, sur des groupes de résidents différents, l’apport d’information supplémentaire concernant les inondations et nous montrons son impact sur l’évaluation du bien. En particulier, un groupe a reçu une information négative sur les dégâts engendrés par les inondations. Cette information était complétée par une photo montrant les dégâts suite à une inondation. Nous trouvons que les individus expriment un consentement à payer supérieur au groupe de contrôle (à qui nous avions indiqué simplement si le bien était, ou non, situé en zone inondable) allant jusqu’à 111 000 €, soit un tiers de la valeur du bien, pour éviter un logement en zone inondable. Cela montre que les ménages sont réceptifs à une information supplémentaire sur les conséquences négatives des inondations.

Une sous-estimation du risque par les résidents de zones inondables

Dans notre échantillon d’étude, 37% des répondants déclarent que leur logement se situe en zone inondable, contre 63 % hors zone inondable. Cependant, selon notre échantillonnage, 53% des personnes enquêtés habitent dans une zone inondable selon le zonage des plans de prévention des risques d’inondation (PPRi). Cette différence peut signifier que les ménages sous-estiment le risque encouru ou n’ont pas conscience de leur situation. Apporter de l’information sur le risque objectif encouru aurait donc comme effet une meilleure prise en compte du risque. Cependant, quel type d’information fournir et comment la diffuser afin d’orienter au mieux le choix de résidence ? Nos études donnent quelques réponses partielles à cette question. Des études comportementales supplémentaires seraient nécessaires pour y répondre de façon plus approfondie. 

Notre étude a montré que la connaissance des plans de prévention des risques inondation (PPRi) n’a pas d’impact significatif sur les choix résidentiels alors que l’information acquéreur-locataire (IAL) joue dans le sens d’une plus grande prise de conscience du risque, dans certains de nos modèles économétriques. On peut spéculer qu’une information plus personnalisée, telles que celle de l’IAL, ait plus d’effet qu’une information générale, telle que celle des PPRi. Apporter des informations encore plus détaillées, avec des illustrations à l’appui comme nous l’avons fait dans notre expérience, a des effets encore plus importants, notamment lorsqu’on décrit les conséquences négatives des inondations.

Des pistes d'actions pour améliorer la prise de conscience 

Il serait donc souhaitable d’apporter des informations à la fois concrètes et individualisées sur les risques encourus. Cependant, cela serait coûteux, voire impossible à réaliser au niveau de chaque habitant. Des études de vulnérabilité des habitats, sur la base de volontariat, ont été effectuées dans certains bassins versants mais ont finalement touché peu d’individus. L’IAL touche plus de monde mais les informations fournies restent abstraites. De plus, la mise en œuvre du dispositif pourrait être améliorée, comme décrit plus bas. Par ailleurs, des informations concrètes pourraient être fournies aux habitants sous forme d’expositions photos ou récits filmés, mais cela se fera forcément à un niveau collectif, comme la commune ou le bassin versant, et non individuel. La mise à disposition de telles informations peut d’ores et déjà faire partie des programmes d’action pour la prévention des inondations (PAPI) mais leur diffusion pourrait être élargie. Certaines pistes peuvent être évoquées pour améliorer ces politiques d’information.

Certaines communes et leurs syndicats de bassin versant ont des politiques proactives d’information du citoyen, dont nombreuses sont véhiculées par des activités pédagogiques dans les écoles et collèges. Ces démarches méritent d’être généralisées. Elles pourraient être complétées par des activités à destination des adultes, plus difficiles à mettre en place, mais qui pourraient être organisées sur les marchés ou lors de manifestations festives de la commune.

En ce qui concerne l’IAL, on pourrait imaginer une formation à destination des agents immobiliers et agents municipaux, afin de s’assurer que les informations contenues dans les dossiers soient bien interprétées. Les gestionnaires de bassin versant pourraient prendre en charge de telles formations. Comme l’a déjà noté un rapport d’évaluation du dispositif, il serait également important de s’assurer que l’IAL intervient bien en amont de la signature des contrats, pour laisser aux acquéreurs et locataires le temps d’assimiler cette information. Par ailleurs, le dispositif devrait être expliqué au citoyen lors des activités de formation à destination des adultes, évoquées plus haut ; les acheteurs et futurs locataires pourraient alors revendiquer l’information si elle n’est pas donnée lors de la recherche du logement.

Enfin, les assureurs pourraient jouer un rôle dans l’information individualisée concernant le risque, par exemple en rappelant les informations de l’IAL dans leurs contrats, même si cette information n’interviendrait qu’après l’achat ou la location du logement. Sans une tarification différentielle selon les zones de risque, on peut supposer que l’effet d’une telle information restera limité. Si, cependant, les assurances devenaient plus chères dans les zones à risque, et que cette information était transmise au même titre que l’IAL, un effet serait certainement observable, y compris à l’achat des logements.


Organismes de recherche et partenaires

INRAE, Centre de Montpellier, 2 Pl. Pierre Viala, 34000 Montpellier

INRAE, Centre Grand-Est Nancy, Rue d'Amance, 54280 Champenoux

Principaux intervenants

Katrin Erdlenbruch (katrin.erdlenbruch@inrae.fr) - Directrice de recherche (DR 2) INRAE  UMR CEE - Montpellier

Serge Garcia, (serge.garcia@inrae.fr) directeur de recherche en économie, INRAE, UMR BETA, Nancy.

Date de début / Durée

2018

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