Données personnelles, quelle pertinence des ressorts émotionnels ?

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Bilan de l'efficacité de Gao & Blaze pour la sensibilisation à la protection des données personnelles

Illustration Gao & Blaze

Créé en 2022

Une année après son lancement sur les stores, le jeu sérieux Gao & Blaze fait le bilan de son efficacité en termes de modifications sur les comportements d'usage des smartphones.

Rappelons que l'objectif de Gao & Blaze est de sensibiliser de manière innovante les utilisateurs de smartphone à la protection de leurs données personnelles. 

Vérifions si cet objectif a été atteint et de quelle manière. 

Le projet avait prévu un double dispositif d'enquête :

  • une enquête quantitative par questionnaire à la fin du jeu;
  • une enquête qualitative en suivant sur 2 ans et demi un groupes de volontaires.

Enquête quantitative 

Environ 300 personnes ont répondu au questionnaire situé à la fin du jeu. En termes descriptif, cet échantillon est jeune (moyenne de 29 ans), masculin (58% de l'échantillon), diplômé (71% de l'échantillon).

Le smartphone, une contrainte pour beaucoup

Contrairement aux discours enthousiastes, l’utilisation accrue du smartphone dans la vie quotidienne ne constitue pas une expérience unanimement positive pour la plupart des personnes interrogées. Pour un tiers des individus, il représente avant tout une contrainte. Pour la majorité (40,3 %), le smartphone correspond à une expérience mitigée, et pour seulement 26,7 % il représente essentiellement un plaisir. Nous notons donc que le jeu permet de s’adresser à des publics critiques ou vigilants par rapport aux usages numériques. 

Gao & Blaze touche des personnes non habituées aux jeux

Nous nous sommes intéressées à la question de l’usage préalable des jeux vidéos. Les résultats indiquent que le jeu a réussi son pari de fournir une expérience de jeu généraliste et grand public par rapport au monde du jeu vidéo. En effet, le jeu est parvenu à attirer une forte proportion de public non joueur (46,2 % cumulés de « pas du tout » et « assez peu » chez les répondants), mais également de joueurs et joueuses occasionnels (42,5 % cumulés de « quelques fois par mois » ou « plusieurs fois par semaine »). Les afficionados, en recherche de jeux plus poussés et moins généralistes, y sont peu représentés (11,3 % parmi les personnes qui ont répondu).

La grande majorité des joueurs ne prend pas de précautions pour leurs données personnelles 

La maturité en termes de précaution vis-à-vis des données personnelles a été évaluée avec Le un outil d’audit du smartphone qui évalue de manière simple quelles sont les applications qui demandent trop de permissions et les notent de A (très bon) à E (très mauvais). Il répertorie les acquisitions de données réalisées « officiellement », avec le consentement théorique de personnes. Nous constatons que seule une minorité (10,5 %) d’utilisateurs ici ont un très bon niveau de protection de leurs données. La moyenne des scores se situe entre C et D. Nous pouvons ainsi conclure que l’échantillon étudié n’avait pas au préalable des pratiques avancées en termes de protection des données. Nous avons ainsi pu toucher des personnes qui peuvent réellement bénéficier d’une sensibilisation sur la question.

Le niveau de sensibilisation à la protection des données ne semble dépendre ni de l’âge, ni du genre.

En revanche, plusieurs facteurs sont corrélés à un meilleur niveau de sensibilisation :

  • le fait d’avoir un niveau de diplôme plus élevé (à 18,7 %);
  • le fait d’être issu d’une famille avec des parents ayant un niveau de diplôme plus élevé (à 21,1 %);
  • le fait d’utiliser son smartphone par plaisir plutôt que par contrainte (à 34,1 %);
  • le fait de jouer régulièrement aux jeux vidéo (à 35,6 %);
  • le fait de savoir se servir facilement d’un ordinateur (à 70,40 %).

La difficile observation des changements de paramétrage du smartphone

L’évolution dans le temps de l’indicateur qui mesure le niveau de vulnérabilité des données présentes sur le smartphone indique que le score des utilisateurs du jeu ayant utilisé à plusieurs reprises le scanner n’observe aucune amélioration notable entre la première mesure et les suivantes. Cependant, l’analyse des dates de scans indique que la quasi-totalité des utilisateurs et utilisatrices a réalisé un ou plusieurs scans à peine le jeu terminé et n’a pas renouvelé l’opération par la suite. Il n’a pas été possible de tirer des conclusions sur le temps nécessaire pour l’assimilation des contenus et la désinstallation effective de certaines applications.

Cependant, en lien avec les observations qualitatives ci-dessous, il n’est pas invraisemblable de supposer que les personnes qui ont fini le jeu pourraient prêter une oreille attentive à des nouvelles connaissances en matière de protection des données.

Panorama des émotions suscitées par le jeu : amusement, surprise et gêne.

Les mécaniques de jeu visaient à générer une réponse émotionnelle concernant les données personnelles (immersion, menace, réutilisation des données des joueurs et des joueuses…).

La principale émotion ressentie et loin devant toute autre, est l’amusement, avec 53 %. Sans surprise, cela semble confirmer le caractère ludique du jeu, et le fait que l’expérience soit avant tout une expérience positive du risque.

Surprise et gêne semblent également au cœur de l’expérience de jeu, et font probablement écho à ses mécanismes ludiques spécifiques, qui tout, en les respectant, injectent les données personnelles du joueur dans le jeu pour personnaliser son expérience.

L’étude des données révèle que la surprise , n’a pas spécialement d’impact en termes de comportement. En revanche, plus les joueurs ont joué au jeu et parcouru ses différents mini-jeux, plus ils ont expérimenté de la gêne et un sentiment de malaise par rapport à l’utilisation de leurs données personnelles dans le jeu, et plus leur niveau de sensibilisation à la fin du jeu était élevé.

Enquête qualitative 

La conscience de vulnérabilité existe 

Grâce aux entretiens qualitatifs, nous nous avons saisi sur le vif des pratiques de protection spontanées déjà présentes, liée à une forme de pudeur. Cette observation permet de mettre à mal l’idée que les jeunes, uniquement de par leur âge, ont une faible conscience de l’exposition de soi ou de leur intimité. Certains témoignent au contraire qu’ils sont en mesure d’employer des stratégies sophistiquées de contrôle de leurs données.

Un sentiment d'impuissance

L’impuissance reste vécue de manière forte, avec un discours construit, chez la plupart des personnes interrogées. L’équation semble toujours insoluble, car ce sentiment existe également auprès des personnes participant à l’enquête qui ont développé des stratégies et des réflexions abouties en termes de protection de leurs données. Il est cependant à noter que le sentiment d’impuissance n’a pas forcément empêché l’amélioration de certaines pratiques numériques.

Leviers de passage à l'action :

  • l’accroissement de la vigilance par l’expérimentation directe constitue le premier passage à l’action. Il s’agit dans la plupart des cas d’une réactivation des connaissances préalables. Pour certaines personnes, les connaissances diffusées permettent d’avoir un socle à mobiliser ultérieurement;
  • cette prise de conscience par l’expérimentation a été un facteur d’accroissement de la vigilance y compris chez les personnes que le jeu a agacées;
  • le passage à l’action peut se situer sur un temps long et rester imprégné de contradictions, puisque les leviers d’action s’activent de manière ambiguë sous diverses formes : la culpabilité, l’apprentissage, l’explicitation…

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