Réduire l'accidentalité routière des jeunes

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La psychologie comportementale - chez de nombreux adolescents, un premier accident est fortement prédictif d’autres à suivre.

Créé le 23/06/14, modifié le 8/02/2021

Cependant, par un accompagnement psychologique adapté, il est possible de réduire cette fatalité.

L’accidentologie est la première cause d’hospitalisation à l’adolescence : 20% des adolescents hospitalisés le sont pour un accident. Le taux de récidives est élevé : un adolescent sur quatre aura une récidive dans l’année suivant le premier accident.


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Parmi ceux qui ont déjà eu plusieurs accidents, le taux de récidive s’élève à 62%. Les prises de risques sont fréquemment croisées et on retrouve chez ces adolescents des états pathologiques associés tels que la dépression, les pathologies anxieuses, les tentatives de suicide ou la consommation de stupéfiants.

Le pari initial du projet : réduire de plus de 20% le risque de récidive

L’équipe Psychiatrie de l’Enfant et de l’Adolescent du CHU de Poitiers, dirigée par le professeur Ludovic Gicquel, a déjà longuement observé ces phénomènes de récidive. Les équipes ont imaginé des protocoles de prise en charge des adolescents les plus fragiles avec l’espoir que ce soit efficace pour les protéger. Un projet a été monté afin de le vérifier. Un projet soutenu par la Fondation VINCI Autoroutes et la Fondation MAIF.

L’équipe a créé un outil permettant de qualifier le profil psychologique des adolescents accidentés : ECARR. Lors de leur passage dans les services d’urgences hospitalières, les adolescents se voient proposer de répondre à plusieurs questionnaires permettant d’apprécier leur profil psychologique : mesure de l’anxiété, de la dépression, de l’impulsivité, de l’attention, de l’optimisme, de l’appétence au cannabis, etc.

L’analyse de l’ensemble de ces questionnaires conduit à établir un score ECARR. L’hypothèse de travail des chercheurs était que les personnes présentant un score ECCAR supérieur ou égal à 5 sont plus particulièrement sujettes au risque de récidive.

Le recrutement et le suivi des adolescents

Plusieurs services d’urgence ont été mobilisés : Poitiers, Châtellerault, Limoges, Nantes, Angers, Les Sables d’Olonne et Tours. Afin de réunir un effectif significatif en termes de statistiques, l’étude aura duré au total plus de 5 ans. Au total, 2234 adolescents ont accepté de répondre aux questionnaires ECARR. 562 parmi eux présentaient un score ECARR ≥ 5, donc plus sujets au risque de récidive d’après l’hypothèse de travail des chercheurs. 288 personnes ont été incluses dans le programme. La moitié, a bénéficié d'un programme d'intervention psychologique, tandis que l'autre moitié a été observée (Groupe Témoin). 

Pour les adolescents inclus dans les interventions avec les psychologues, ils ont été invités à 3 séances espacées d’une semaine et se déroulant dans le mois suivant le premier accident. En cas de récidive, les adolescents ne sont pas inclus dans de nouvelles séances. 

L’organisation et le contenu des séances s’appliquent aux pathologies détectées dans les entretiens :
  • séance n°1 : le risque : la perception du risque, l’attention et la concentration ;
  • séance n°2 : les autres : les liens entre les accidents et les styles de vie , le mal-être, les idéations suicidaires, les liens, les relations et les problèmes avec les autres ;
  • séance n°3 : les émotions : les émotions au travers du photolangage, la régulation des émotions négatives, l’impulsivité.

Deux fois moins de récidives d’accident dans le Groupe Intervention

C’est le principal enseignement de l’étude et il est de taille : sur la population des ECARR ≥ 5 intégrés dans les interventions thérapeutiques, le taux de récidive est de 13,7% à 6 mois et de 21,6% à 12 mois. C’est élevé mais c’est deux fois moins que les ECARR ≥ 5 qui ne sont pas suivis (Groupe Témoin), respectivement 22,3% à 6 mois et 36% à 12 mois. 

Propension à la dépression et gestion de l’impulsivité dominent 

Rappelons ici que lors de la première prise en charge des adolescents suite à leur accident, de nombreuses variables comportementales sont évaluées au travers des questionnaires de personnalité.

L’analyse statistique multifactorielle permet d’extraire les variables les plus influentes sur la récidive : l’impulsivité et la dépression ressortent. Concernant l’impulsivité, elle se ramifie en 5 observations :

  • urgence négative : tendance à exprimer des réactions rapides, directes et fortes, souvent en présence d’affects négatifs ;
  • urgence positive : tendance à exprimer des réactions fortes et rapides dans un contexte d’affects positifs ;
  • manque de préméditation : capacité à penser et à réfléchir aux conséquences d’une action avant de s’y engager ;
  • persévérance : capacité à rester concentré sur une tâche, même difficile ou ennuyeuse ;
  • recherche de sensation : tendance à rechercher l’excitation et l’aventure ainsi que l’ouverture à de nouvelles expériences.

Principales conclusions analytiques :

  • à niveaux de manque de préméditation et de persévérance comparables, les sujets du groupe intervention ne récidivent pas contrairement à ceux du groupe témoin ;
  • à niveaux de manque de préméditation et de persévérance supérieurs, les sujets du groupe intervention récidivent deux fois moins que ceux du groupe témoin ;
  • la dépression et la dimension de manque de persévérance sont des facteurs dont l’effet sur la récidive interagit avec celui de l’intervention (termes d’interaction avec le traitement significatifs) ;
  • l’effet de l’intervention est maximal chez les individus dont le score de manque de persévérance est faible ;
  • on observe une tendance à une incidence de récidive plus élevée chez les individus du groupe témoin dont le score de sensation est élevé mais il n’y a pas d’interaction notable avec l’intervention.

Un repérage systématique aux urgences pourrait sauver plusieurs dizaines de jeunes vies par an

Le repérage pourrait être singulièrement allégé par rapport au protocole utilisé pendant l’étude en concentrant les évaluations sur les variables fortement significatives dans le risque de récidive. 

A partir des données issues du bilan de l’accidentalité routière 2019 réalisé par l’ONISR, il y a eu 17 728 blessés et 636 tués en 2019 dans la tranche des 14-25 ans.

A partir des taux issus de l’étude ECARR, il y aurait 4460 personnes avec un score supérieur ou égal à 5 au questionnaire ECARR. Sur ces 4460 personnes, 1668 devraient récidiver (37,4 %) au moins une fois au bout d’un an contre 985 (22,1%) si une action thérapeutique similaire à celle de la recherche ECARR2 était mise en oeuvre. Aussi, il y aurait 683 accidents en moins dans cette perspective (soit 41% de récidives en moins liées à l’intervention thérapeutique).

En outre, considérant le taux de mortalité avancé (636/17728, soit 3,58%), l’absence de récidives éviterait sous toute hypothèse 24 décès chez les 15 - 24 ans.

une thérapeute  console un jeune patient en thérapie de groupe

Organismes de recherche et partenaires

Pôle Universitaire de Psychiatrie de l'Enfant et de l'Adolescent (PUPEA) - POITIERS

Partenaires associés
Fondation Vinci autoroutes
Délégation à la Sécurité Routière (DSR)
Programme Hospitalier de Recherche Médicale (PHRC 2014)

Principaux intervenants

Professeur Ludovic GICQUEL

Date de début / Durée

2014

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