À quel point les photos que nous publions sur les réseaux sociaux peuvent nous desservir lors de nos démarches administratives. Réponse nuancée.
Créé le 26/10/18, modifié le 31/10/25
C’est plutôt une bonne nouvelle. Le projet - mené par une équipe du CEA* et de l’Université Paris-Saclay - conclut que l’impact des images de notre vie privée n’est pas significatif sur les réactions des assureurs et des agents immobiliers. Au sens où ceux-ci ne recourent apparemment pas de façon massive et systématique à l’analyse de photos pour filtrer les candidats qui s’adressent à eux.
Du moins à ce jour, dès lors qu’il s’agit d’un premier contact et de situations dans lesquelles l’enjeu financier reste modeste.
Trash et alcoolisé
C’est le résultat d’une étude réalisée à partir de cinq faux profils créés sur Facebook et Gmail. Cinq profils dotés de prénoms et noms à consonance très proche, représentés en réalité par la même personne mais photographiés dans des situations différentes. Des situations qualifiées de « clean » à « alcoolisée + trash », avec évidemment force guillemets. Le profil dit « alcoolisé + trash » présente le jeune homme hilare et un peu avachi, coiffé d’un bob de travers, en compagnie d’un copain et de plusieurs bouteilles d’alcool fort. Tandis que le profil « clean » montre le même duo, plus alerte, devant des soft drinks et sans couvre-chefs.
Pas de filtrage systématique
Une fois les profils créés et publiés sur les réseaux sociaux avec leurs photos, les chercheurs ont fait envoyer par ces personnes imaginaires plusieurs centaines de mails. Sur deux requêtes type : demande de devis pour une assurance auto et recherche d’un logement auprès d’une agence immobilière. Le nombre de réponses obtenues – par mail, appel téléphonique ou SMS – a ensuite été comparé. Et il ne diffère pas vraiment selon les profils. Ce qui conduit les chercheurs à penser que les photos publiées sur les réseaux ne font pas encore l’objet d’une analyse et d’un classement méthodiques par une intelligence artificielle.
Score de désirabilité
Qu’il s’agisse d’obtenir un prêt, de chercher un emploi ou un logement, les discriminations selon l’origine ethnique, l’âge, le sexe, etc. existent, ce n’est pas nouveau. Mais il s’agissait ici de vérifier si, avec les progrès de l’intelligence artificielle, allait se mettre en place un autre type de filtrage, systématique, basé sur l’analyse des comportements et modes de vie. Un tri fondé sur l’association algorithmique de certains comportements à un niveau de risques déterminé. Autrement dit l’attribution à chaque personne d’un score de désirabilité en fonction de critères pour le moins subjectifs.
Ce qui supposerait de mettre à plat, hiérarchiser et modéliser ces critères. Il semble qu’on n’en soit pas là. En tout cas pas encore.
Potentiel de discrédit
Parallèlement, l’équipe de chercheurs a créé une application qui identifie les images à potentiel de discrédit. Lancée sur votre smartphone, elle encadre en rouge, orange ou vert vos photos selon qu’elles comportent un risque plus ou moins grand d’interprétations négatives dans le cadre de situations données : recherche de crédit bancaire, d’assurance, de logement ou de travail. La réalisation de l’algorithme de classement a été faite à partir de l’interview d’un panel constitué principalement de banquiers, qui attribuait, au vu de photos, un score de confiance de +1 à -1.
Les photos où l’on fume, où l’on boit, où l’on fait la fête, où l’on pratique un sport extrême… tout cela devient de possibles preuves à charge, susceptibles de mettre à mal notre fiabilité en tant que collaborateur ou payeur.
Vers une neutralité visuelle ?
YDSYO : c’est le doux nom de cette application. Pour “Your data stay yours”.
Disponible sur Play Store, elle est conçue pour smartphones fonctionnant sous android. Son premier objectif est de nous faire prendre conscience des interprétations et raccourcis que peuvent induire nos photos. Et elle permet du même coup d’effacer les images identifiées comme pénalisantes.
Evidemment, seules les photos contenues sur le smartphone sont concernées. Celles publiées sur les réseaux sociaux seront à supprimer manuellement.
Cela peut s’avérer prudent dans de nombreuses situations, lors d’un passage de frontières, par exemple, quand le téléphone portable risque d’être soumis à inspection.
* Commissariat à l’énergie atomique
Organismes de recherche et partenaires
Institut CEA LIST, Commissariat à l’Energie Atomique et aux Energies Alternatives Laboratoire LVIC, Bâtiment 861-PC173, 91190 Gif-sur-Yvette,
Laboratoire RITM, Université Paris-Sud, Faculté Jean Monnet, 54 Boulevard Desgranges, 92330 Sceaux
Principaux intervenants
Adrian Popescu ( CEA LIST, doctorat Télécom Bretagne 2008)
Nicolas Soulié (RITM - Univ. Paris-Sud/Paris-Saclay, doctorat Univ. Toulouse-Capitole 2008)
Date de début / Durée
2018 pour une durée de 24 mois
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